Keu, le sénéchal


Keu est l’un des premiers compagnons d’Arthur dans le cycle de la Table ronde. Si son nom ne vous dit rien, souvenez-vous du film Merlin l’Enchanteur des studios Disney. L’espèce de jeune brute dont Arthur est l’écuyer, c’est lui !
 
Keu (Kay, ou encore Cai… les orthographes sont multiples) et Arthur ont grandi ensemble. Lorsqu’il naquit, le futur roi des Bretons fut en effet retiré à ses parents par Merlin, qui confia son éducation à un couple venant d’avoir un fils. Une fois couronné, Arthur garda ce frère à ses côtés : Keu devint ainsi à la fois chevalier et sénéchal.
 
Est-il donc un double d’Arthur ? Partage-t-il ses valeurs morales, sa ligne de conduite ?

Nombre de récits le dépeignent comme un homme violent et sarcastique. Dans Perceval ou le Conte du Graal de Chrétien de Troyes, il gifle la demoiselle qui rit, alors que frapper une femme est formellement interdit… Arthur, las, ne réagit même pas !
 
La présence de Keu à la Table ronde pose des questions. Est-il là pour agir comme un négatif ? Révèle-t-il par ses défauts les vertus du roi et des autres chevaliers ?

Il symbolise peut-être le monde ancien, guerrier et rustre, tandis qu’Arthur incarne l’avenir, la paix et la morale. Nous pouvons voir en lui un double ombrageux, voire un trickster, à la manière de Loki pour Thor dans la saga Marvel.

 

Au-delà du manichéisme…

Je trouve à ce personnage diverses facettes intéressantes. Interrogeons-nous sur son enfance. À sa naissance, Keu avait l’attention exclusive de ses parents. Lorsque Merlin arriva avec Arthur dans les bras, il fut confié à une nourrice, et sa mère allaita plutôt le futur roi.

Comment Keu peut-il réagir plus tard en l’apprenant ? Que pense-t-il du geste de sa mère ? Est-il heureux à l’idée d’avoir laissé sa place ? Est-il fier d’avoir côtoyé un être à la destinée exceptionnelle ? Ou éprouve-t-il une pointe de jalousie, de rivalité fraternelle ? L’impression d’avoir échoué dès le berceau contre un garçon surgi de nulle part, bénéficiant d’une ascendance privilégiée ?
 
Les autres chevaliers peuvent spéculer à son sujet. Le roi ne lui accorde-t-il pas de hautes fonctions uniquement parce qu’il se sent redevable envers ses parents adoptifs ?
 
Keu n’est pourtant pas dépourvu de qualités. Il est fort. Il est fidèle à ce frère avec qui il ne partage aucun lien de sang. Il tient sa place de bras droit sans chercher à le détrôner, tout en s’autorisant une liberté d’expression inédite. Il est finalement le seul à partager avec Arthur un lien si ancien. Ils ont quasiment tout vécu ensemble, de la naissance à la mort.
 
Keu a connu le Arthur ordinaire avant le personnage hors-norme. Il lui rappelle d’où il vient, celui qu’il était avant d’obtenir l’épée magique, de se lancer dans des quêtes fantasmagoriques. J’aime voir Keu comme une sorte de pont entre le passé et le futur, le réel et la légende.
 
Pourquoi avoir dédié un article à ce personnage particulier ?

Mystère…

 

Crédits images : The Sword in the Stone © Walt Disney Pictures
Armorial de la Table ronde (1490-1500) – Bibliothèque nationale de France / Gallica

 

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