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Ewyn dormit d’un sommeil profond. En rêve, il aperçut une vaste étendue étincelante. Un mugissement retentissait, régulier, apaisant. Parfois, une mouette passait dans le ciel. Le chant aimant d’une femme résonnait dans le lointain. Le garçon, alors tout petit, fermait les paupières pour l’écouter.
Une main se posa sur sa tête. Les longs doigts coururent dans sa chevelure. Il se laissa bercer, un sourire sur les lèvres. Soudain, une voix basse gronda. Des claquements de mâchoires hachèrent la phrase entre chaque mot.
— Tu-te-sens-bien, n’est-ce-pas ?
Saisi d’effroi, Ewyn se retourna. La main squelettique happa son cou. Il tenta de se dégager ; les os pâles écrasèrent son œsophage et sa trachée.
— Mensonges ! Tu m’entends ? Tout n’est qu’illusion !
Il s’étrangla. Enveloppée de ténèbres, la forme en face resserra sa prise. Une brume épaisse tomba du ciel, embrassa l’océan. L’air et l’eau se confondirent en un panorama funeste. Les oiseaux s’enfuirent. Une odeur délétère s’éleva dans l’atmosphère.
— La chaleur, la paix, tout ça n’est pas toi, Ewyn. Tu connais la vérité. Sans moi, tu n’es rien. Ne l’oublie pas !
L’ombre s’évanouit. Il s’effondra. La gorge brûlante, il haleta à quatre pattes. Des larmes s’échappèrent de ses prunelles. Il racla le sable, serra les poings. Il avait désormais treize ans et portait sa tenue d’exorciste.
Il se releva. Ses pas le menèrent devant les vagues noires. L’air empoisonné s’insinuait dans ses poumons. Sans hésiter, il l’aspira.
« La peur n’atteint que ceux qui ont à perdre. »
Au loin, le chant fragile s’obstinait. Ewyn le maudit et s’enfonça dans l’océan.
À son réveil, il vit des rayons strier le plancher. Le jour pénétrait à travers les volets de sa chambre. Les couvertures le gardaient du froid. Son esprit s’alluma peu à peu.
D’un seul coup, la fièvre l’envahit. Pourquoi se trouvait-il là ? Il se prépara, déboula dans la salle commune. Le patron de l’auberge lui adressa un grand sourire.
— Ah, te voilà ! Je suis content de te voir rétabli. Ton ami est dehors, si tu le cherches.
Le mot « ami » sonna faux à ses oreilles. Il hocha la tête en sortant.
Debout près d’un muret, Killian discutait avec une fillette et son petit frère. Il se tenait bien droit, Loren-Durdd fixée à la ceinture. Sa vieille couverture rouge nouée autour du cou tombait jusqu’aux chevilles telle la cape d’un prince. Les yeux pleins d’étoiles, les enfants le contemplaient. Non loin, étendu sur le sol, un épagneul roux poussait des soupirs las.
— Messire Kae a fait de moi un chevalier, un vrai ! clamait le seigneur en guenilles. À mon tour, je peux faire de vous des héros, à la condition unique que vous le méritiez. Alors ? Possédez-vous une âme loyale et courageuse ?
Tout excitée, la petite sautilla.
— Oh oui ! Je suis très loyale et courageuse !
— Moi aussi ! Moi aussi ! s’écria son frère.
Killian les jaugea d’un air sévère.
— Je peux lire la vérité sur les visages… Hum… Je vois que vous ne mentez pas ! Maintenant, à genoux !
En hâte, ils s’exécutèrent. Il détacha son épée et la posa sur les épaules de la fillette, sans retirer la lame du fourreau.
— Par les pouvoirs du bon roi Arthur, je te fais chevalier de la Table ronde !
Il répéta le cérémonial avec le cadet. Impressionnés, les deux enfants se regardèrent : ils venaient d’être investis d’une très grande mission.
Ewyn se racla la gorge.
— On peut y aller, maintenant ?
— Ewyn ! Tu es réveillé ?
— Quelle heure est-il ?
— Entre tierce et sexte1. Comme tu n’étais pas dans ton assiette, je n’ai pas osé te tirer du lit.
— Tu aurais dû. Ramasse tes affaires. Nous partons.
Il s’éclipsa à l’intérieur pour acheter quelques provisions. Yuna s’étira. Killian rattacha Loren-Durdd et tapota la tête des enfants.
— Le devoir m’appelle. Vaillants chevaliers, courez répandre la justice !
Quelques instants plus tard, ils reprirent leur route vers la Croix d’Argent.
Killian chemina de fort bonne humeur. Ne sachant si le mal du blond était contagieux, les nobles leur avaient offert des chambres séparées. Pour la première fois depuis des lustres, il s’était retrouvé seul dans un lit immense, propre, confortable. Yuna s’était installée à ses pieds sur un grand oreiller.
— Tu te rends compte ! s’extasia-t-il. Je n’avais pas aussi bien dormi depuis… Je ne m’en souviens pas. C’est autre chose que de recevoir les coudes de Gael dans les côtes !
— Qui est Gael ? demanda Ewyn d’un air distrait.
— Mon frère cadet. Lui et Lanig sont jumeaux. Gael couche au milieu, mais même la nuit, il trouve le moyen de s’agiter. Lanig est plutôt spécialiste du coup de pied.
En se remémorant sa première journée d’aventure, Killian souriait. Il vivait des choses incroyables. Une épée magnifique pendait à sa ceinture. Après de longs moments d’incertitude, Ewyn semblait finalement remis.
Yuna bâilla.
— La transformation permanente m’épuise. En plus, vous marchez à une vitesse d’escargot. Je vais piquer un somme !
Elle se changea en souris et grimpa jusqu’à la poche de Killian.
— Réveille-moi pour manger !
— Pas de problème. Et toi, Ewyn ? Tu es sûr que ça va aller ?
L’intéressé se figea. La gentillesse de la question le heurtait. Pire, l’autre semblait se préoccuper de lui sincèrement.
« Tout ça n’est pas toi, Ewyn. »
Il lui lança un œil noir.
— Je tiens debout à ce que je sache.
Sa réponse jeta un froid. Killian se rembrunit.
— Pourquoi t’es-tu évanoui hier ?
— Cela ne te regarde pas.
— Quoi ?
Killian s’arrêta.
— Après tout ce que je me suis inquiété, cela ne me regarde pas ? C’est moi qui t’ai ramassé quand tu gisais sur la route. Yuna aussi se rongeait les sangs, même si elle ne l’admettra jamais !
— Vous auriez pu me laisser. Je me serais réveillé un moment plus tard, c’est tout.
Le brun s’empourpra. D’un geste brusque, il l’attrapa au col.
— Tu te fous de moi ? Tu crois que j’abandonne une personne inconsciente ? Un ami, qui plus est ?
— Je ne suis pas ton ami.
Il se glaça.
— Qu’est-ce que tu dis ?
— J’avance seul. Je tolère la korrigane le temps qu’elle me fasse entrer dans les sections interdites. Toi, tu ne m’es d’aucune utilité.
Killian resta confondu. Ewyn se dégagea. Il vit qu’il l’avait blessé.
— Écoute, tu cherches la richesse, c’est ça ? Tu as une superbe épée à la ceinture. Le voilà, ton trésor ! Rentre chez toi et vends-la.
— Hors de question.
— Alors ne me demande pas comment je vais. Reste loin de moi.
Il reprit sa route. Fou de rage, Killian abattit une main sur son épaule.
— Qu’est-ce que tu caches ? Tu penses qu’on ira loin, avec ta mentalité merdique ? Nous sommes censés former une équipe ! Les membres d’un groupe s’entraident pour réussir. Ils doivent connaître chacune de leurs forces et de leurs faiblesses !
Ewyn perdit son calme.
— J’ai invoqué deux Sagittis à la suite pour te sauver la peau, pauvre imbécile ! Tu crois que ma magie n’a aucun coût ? Que je peux déchaîner des sortilèges à tour de bras sans en payer le prix ? Mon premier sigil aurait pu suffire. Le cavalier serait mort, ou pas, j’aurais trouvé autre chose. Mais il a fallu que tu joues au héros en cherchant l’affrontement avec cette bête ! Alors épargne-moi tes discours et ta prévenance. Les grands chevaliers servants, les copains et toutes ces conneries de gosses, je n’en veux pas !
Il s’éloigna d’un pas rapide. Les poings de Killian tremblèrent, hurlèrent l’ordre de le frapper. Tout à coup, sa belle journée se teinta de rouge. Il pensait avoir triomphé des embûches, noué un lien. S’était-il trompé ? Devait-il rentrer, retrouver son unique famille, comme l’autre le commandait ? Ses yeux le piquèrent de tristesse et de fureur.
Une voix soupira dans sa poche.
— Par Ana, ce que vous êtes bruyants ! Rattrape vite cet idiot. Seuls les corbeaux savent où il va encore casser sa pipe.
Il refoula la boule dans sa gorge. Il ne comptait pas renoncer aussi facilement.
Ils n’échangèrent plus un mot. Le religieux semblait décidé à respecter ses préceptes sur le silence. Le paysan cheminait une vingtaine d’enjambées derrière, le visage fermé.
Ils marquèrent un arrêt pour le repas. Comme la veille, Ewyn déballa ses achats du matin. Malgré la faim, Killian n’eut pas envie d’y toucher. La contrariété le brûlait. Il grignota des châtaignes insipides. Son estomac se nouait tant qu’il en avait la nausée.
Yuna laissa échapper une plainte.
— Même les menhirs sont plus bavards que vous, déplora-t-elle, exaspérée.
— Les menhirs ? répéta Killian. Ewyn les adore. Ils ont le même cœur de pierre.
— Cela me convient tout à fait, répondit l’intéressé.
La korrigane lui décocha un rictus narquois.
— Je t’ai entendu, tout à l’heure. Ta magie consume ta vie, pas vrai ? Voilà donc ton terrible secret. Les gens de ton église sont bel et bien prêts à tout.
Il pinça les lèvres. Pour la première fois depuis leur dispute, Killian daigna lui accorder un regard.
— Crache le morceau, ordonna Yuna. Sinon, je fournirai l’explication moi-même.
Ewyn resta muet. À côté de Killian, la créature semblait se délecter. Un long silence passa. Elle ouvrit la bouche ; il la coupa dans son élan.
— Mon pouvoir n’est pas illimité. L’énergie doit se concentrer dans un point précis pour être efficace. Plus je multiplie les sigils, plus la puissance se disperse. Je me retrouve donc obligé de compléter avec mes forces vitales.
Ses aveux lui arrachaient la langue. Yuna pouvait bien se moquer à présent. Il apparaissait petit, vulnérable, tout le contraire de ce qu’il s’évertuait à être.
D’un air détaché, elle mordit dans un bout de pomme. Avoir vaincu sa fierté la contentait. Elle connaissait les efforts à fournir pour pratiquer la magie. Il fallait une foi et un engagement respectables pour appliquer des méthodes si dangereuses.
Killian se rappela le mur de lumière, les deux salves de flèches. Il revit l’invocateur effondré, glacé comme un cadavre. L’effroi le frappa.
— Tes sortilèges peuvent… te tuer ?
— Oui. Mais il en faut plus que ce que tu as aperçu hier pour m’abattre.
Sans s’octroyer de sieste, ils reprirent la marche. Le retard du matin risquait de peser lourd dans la balance. Ewyn pressait l’allure.
— Nous devons absolument atteindre l’auberge des chevaliers avant la nuit. J’inspecterai l’extérieur pour m’assurer qu’aucun spectre ne rôde.
— Rappelle-toi que nous avons un accord, grogna Yuna sous sa forme de chien. Je veux gagner ton abbaye et sa bibliothèque au plus vite.
— J’ai des devoirs. Je ne peux pas laisser une telle possession se reproduire.
Yuna lui renvoya un rictus.
— C’est étrange. Je ne t’imaginais pas te soucier de tes semblables… À moins qu’une autre raison ne te motive.
Il fronça les sourcils. L’épagneul s’enfuit plus loin sur le chemin. Des nuages couvraient le ciel. Une bruine s’abattit.
À l’arrière, malgré lui, Killian s’inquiétait du sort du garçon en noir. Ses aptitudes, ses vêtements, toute sa personne lui avaient semblé formidables de prime abord. À présent, il éprouvait une désillusion similaire à celle qu’il avait connue quelques années auparavant, lorsqu’il avait compris les manipulations des bateleurs de foire. Nulle balle de liège n’apparaissait, ne disparaissait sous leurs trois gobelets opaques : les escamoteurs introduisaient juste deux autres boules en secret dès le début, puis bougeaient leurs outils avec dextérité, dans un ordre implacable. Pour percer le mystère, il fallait observer longtemps, calculer, analyser. Aucun miracle n’intervenait. Derrière le brillant spectacle, il n’y avait qu’une vérité décevante, de l’or à récolter.
Chez Ewyn aussi, les ficelles se dévoilaient. Tout en lui reflétait le combat. La robe courte lui permettait une liberté de mouvement. Les ceintures aux poches nombreuses abritaient son matériel. La croix d’argent servait-elle à repousser des attaques frontales ? Une chose était sûre : sa rapidité et son agilité cachaient un entraînement assidu. En combien de temps avait-il appris ses formules, jusqu’à les enchaîner sans hésitation ? Combien d’énergie avait-il consumée afin de maîtriser leur pouvoir ? Sa façon de courir, de bondir, la précision avec laquelle il lançait ses projectiles… Combien de jours, d’efforts et de sueur avait-il dépensés pour les acquérir ? À chaque nouvelle confrontation, il risquait sa vie. À son âge, l’envoyer combattre revêtait peu de sens. Pourquoi ne le laissait-on pas à l’abri, le temps qu’il entre en possession de tous les savoirs, de ses pleines capacités physiques ? S’il mourait demain, aussi jeune, à quoi auraient servi ses sacrifices ?
Une charrette les dépassa. Le blond héla le conducteur. Après un bref échange, il fit un signe du bras.
— Dépêche-toi ! Ce brave homme va nous transporter !
Avec le chien, ils s’installèrent parmi des caisses. L’opération leur fit gagner plus de deux lieues. Devant un croisement, ils prirent congé de leur bienfaiteur.
— Dieu vous garde, dit Ewyn en opinant.
Leur route s’abîma dans une lande. Le paysage changea vite : champs et forêts se transformèrent en étendues grises, en buissons bas et en rocaille. Les bruyères se mêlaient aux ajoncs épineux. Parfois, les plantes formaient des buttes coiffées de tiges démesurées. Masquées par leur foin, des eaux traîtresses exhalaient un parfum de décomposition.
Ils ne rencontrèrent pas un vilain. Quelques moutons sales broutaient près d’un rocher. Plus tard, ils aperçurent un cheval errant. Ils l’approchèrent, avec la pensée vague de l’utiliser comme monture ; ils renoncèrent en avisant ses jambes, ses flancs d’une maigreur extrême. La teigne le dévorait en laissant des trous dans son pelage.
Une trace d’humanité se profila enfin. Surgissant du désert, une bâtisse de pierres sombres se découpait contre le ciel. Ses murs hauts, droits, s’agençaient d’une manière austère. Des fenêtres perçaient la façade au rez-de-chaussée et à l’étage. Le toit se brisait en pentes abruptes couvertes d’ardoises. Une cheminée dominait les deux pignons, de chaque côté. Au bord de la route, un panneau indiquait le mot « Auberge ».
— Serait-ce la demeure dont a parlé Sire Carloman ? questionna Killian.
Ewyn haussa les épaules.
— Sûrement, puisque c’est écrit.
Son compagnon vira au rouge.
— Je ne sais pas lire, figure-toi. Les gueux n’ont pas accès à ta science.
— Ah, c’est vrai.
Il se détourna. Ses yeux bleu gris se fixèrent sur le bâtiment. Il l’examina un moment, puis ferma les paupières. Autour de lui flottaient des émotions éparses. Il perçut du chagrin, de la peur. Des murmures très faibles lui parvinrent. Il se concentra, tenta de reconstituer les syllabes. Les mots se disloquaient, comme emportés par le vent.
— Je n’aimerais pas habiter ici, commenta Yuna. Tout le pays a l’air malade.
Ewyn acquiesça.
— Il y a bien quelque chose, mais je n’arrive pas à identifier une source. Cet endroit me rappelle les tourbières des monts d’Arrée. On les surnomme « la porte de l’Anaon », car ces marais aspirent les âmes vers l’Autre Monde.
— Cette maison en elle-même n’a rien de spécial, s’insurgea Killian. Ce n’est pas parce qu’il pleut et que la contrée est laide qu’il se passe forcément des choses horribles. Les gens d’ici n’ont pas de chance. Inutile d’en rajouter.
Ewyn se sentit piqué. Cependant, le raisonnement n’était pas faux.
— Nous allons faire le tour en restant discrets. Ensuite, nous signalerons notre présence et nous examinerons l’intérieur.
— Soit.
Ils s’engagèrent dans les buissons. Leur tracé décrivit un cercle en maintenant avec la bâtisse une distance respectable. Après un demi-arpent parcouru2, l’exorciste planta une petite croix d’argent dans le sol. Killian et Yuna lui jetèrent un œil interrogateur.
— Principe de précaution, invoqua-t-il brièvement.
Il répéta son geste à intervalles réguliers. À l’arrière, des dépendances masquaient une partie de la maison. La première, de forme rectangulaire et allongée, constituait sans doute l’écurie évoquée par le chevalier. Une remise la flanquait à droite. Un grand potager s’étirait à proximité. Killian plaignit les aubergistes d’être obligés de travailler une terre aussi mauvaise. Avec surprise, il constata ensuite que leurs cultures se portaient bien. Un carré fraîchement retourné laissait entendre un bon entretien.
Yuna plissa le museau.
— Beurk. Je sens une odeur de pourri.
— Sûrement du compost, expliqua son ami. Vu l’état du sol, les propriétaires doivent se donner beaucoup de mal pour obtenir un résultat. D’ordinaire, les pelures de légumes finissent dans l’estomac des cochons, mais je pense que ceux-là répandent tout sur le potager. Ils ne doivent pas avoir de bêtes à nourrir.
La suite lui donna tort. Une porcherie et un poulailler complétaient la basse-cour. Killian s’étonna, mais il garda ses réflexions pour lui.
Ils revinrent sur la route. Ewyn ficha une croix dans le muret de clôture. Un malaise croissant l’envahissait. Les extérieurs ne révélaient rien. La demeure ne dégageait pas d’aura particulière. Pourtant, il ressentait au moins une, voire plusieurs présences. La mésaventure des seigneurs sonnait comme un avertissement. Quel élément lui échappait ? Que se tramait-il en ces lieux désolés ?
— Tout ça ne me plaît pas, maugréa-t-il entre ses dents.
— Nous pourrions passer la nuit ailleurs ? suggéra Yuna. Je n’aime pas non plus cet endroit. Dépêchons-nous et éloignons-nous au maximum avant le crépuscule !
— Ce sera pire. Nous ne savons pas d’où provient la menace. Sire Carloman l’a bien dit : il n’existe pas d’autre pension aux alentours. Si nous dormons dehors, nous essuierons la pluie et nous serons très exposés. La lande est pleine de marais. En cas de fuite, un seul faux pas et nous finirons de la pire des façons.
Elle déglutit.
— Nom d’une souche ! Mais qui a eu l’idée de venir ici ?!
Killian esquissa un sourire bravache.
— Nous n’allons pas rester plantés là. Si cette auberge était la porte de l’Anaon, ça se saurait, non ?
Ewyn fut forcé d’en convenir.
— Bien ! Alors je ne vois pas ce qu’il pourrait nous arriver. Nous n’avons là qu’un gîte tout ce qu’il y a de plus normal. Votre monde se peuple peut-être d’entités louches et de fantômes noirs, mais le mien se compose d’êtres de chair et de sang. Et l’humain que je suis a besoin de bons draps et d’un repas chaud !
Sans tergiverser davantage, il se dirigea vers le perron.
À suivre…