Bienvenue dans la section lecture en ligne ! Veuillez noter qu’à la différence de l’édition finale disponible à la vente (ebook et livre broché), les textes ici postés sont en version non corrigée.
Désorienté, Killian considéra la situation sans précédent. Tout à coup, du jour au lendemain, on lui proposait d’abandonner son univers ordinaire pour se jeter dans l’inconnu. Dans sa tête, un flot d’images déferla. Il vit une version rayonnante de lui-même vivre des aventures, découvrir des pays, emprunter des routes différentes. Il imagina des rencontres avec, au bout du chemin, les trésors d’une ville engloutie. Quel visage avait Ys au fond de ses eaux ? Quelles merveilles pourrait-il en rapporter ? S’il y trouvait de l’or, il obtiendrait bien plus qu’un apport ponctuel pour nourrir sa famille. La légende lui promettait un avenir étincelant.
Sous ses yeux, il avait déjà des êtres exceptionnels. L’histoire lui semblait démente, mais il éprouvait l’envie croissante, terrible de les suivre. Comment convaincrait-il ses parents de le laisser partir ? La saison des labours battait son plein. Avec sa mère faible, son soutien, sa force de travail s’avéraient indispensables. Dans la vie réelle, l’estomac ne se comblait pas avec des rêves.
Une boule dans la gorge, il s’avoua l’implacable vérité.
— J’aimerais sincèrement venir, mais seul aux champs, mon père ne s’en sortira pas. Mes frères sont encore trop jeunes pour manier l’araire. S’il leur arrivait un accident, je ne me le pardonnerais jamais.
La tristesse voilait sa voix. La mine grave, Ewyn approuva. Yuna ne l’entendait pas de cette oreille.
— Tu es sûr qu’il n’y a rien d’autre ? Est-ce uniquement une question de présence ?
— Oui.
— Dans ce cas, nous allons te trouver un remplaçant.
Interdit, il releva le menton.
— Comment ça ?
— Une personne effectuera tes tâches quotidiennes. Peu importe la durée de ton absence, elle restera avec ta famille. Elle aura tes traits, tes vêtements. Quand tu reviendras, tu reprendras ton rôle, comme s’il n’y avait jamais eu d’échange. N’oublie pas que les korrigans sont très forts pour vous duper. Ta propre mère ne s’apercevra pas du subterfuge.
Elle souriait de toutes ses dents. Le cœur de Killian se remit à battre.
— Quelle créature voudrait travailler à ma place ?
— Tu le verras demain ! Alors, c’est d’accord ? Tu pars avec moi et le curé arrogant ?
Il hésita.
— Puis-je prendre la nuit pour réfléchir ?
— Si tu le souhaites. Cependant, sois certain d’une chose : ce substitut est un véritable expert ! Rejoins-moi à l’aube, à la sortie sud de ton village. Tu peux conserver la clé en attendant. Je t’avoue qu’elle m’encombre un peu.
Elle pointa Ewyn du doigt d’un air impérieux.
— Toi aussi, sois au rendez-vous.
Le visage neutre, il acquiesça.
— Très bien, conclut-elle. À demain !
Elle se changea en hirondelle et s’envola. Les garçons se levèrent. Killian serra la main de l’ermite avec chaleur.
— Je ne regrette pas de vous avoir parlé. Merci pour vos lumières.
— Revenez me conter vos aventures, sourit le vieillard. Soyez prudents. Prenez soin les uns des autres. Surtout toi, mon fils, ajouta-t-il à l’adresse du blond. Les ouvriers de Dieu protègent la vie. La paix soit avec vous.
— La paix soit avec vous, répondit Ewyn en opinant.
Sur le chemin du retour, il marcha quelques pieds devant. Son allure modérée, ses mains détendues ne trahissaient pas d’hostilité. Il gardait juste le silence, comme s’il s’était trouvé seul.
Derrière, Killian cherchait un sujet de conversation, un prétexte quelconque pour briser la glace.
— Alors comme ça… tu vis dans une abbaye ? questionna-t-il à tout hasard.
— Oui.
Un blanc suivit.
— Heu… et c’est loin d’ici ?
— Oui.
Un ange passa. Déconcerté, Killian se demanda quoi ajouter. Après un temps, Ewyn précisa :
— À trois jours de marche environ.
— Trois jours ?! Mais où vas-tu dormir ce soir ?
Sa voix vibra d’un ton alarmé. L’autre haussa les épaules.
— Je ne sais pas. Je verrai.
Il réfléchit. Si ses frères se serraient, la paillasse pourrait-elle accueillir une quatrième personne ? Au pire, lui-même passerait la nuit par terre.
— Viens à la maison. Ce n’est pas le grand luxe, mais tu seras au chaud. Tu es le bienvenu.
Ewyn s’arrêta. Son compagnon souriait en toute innocence. À ses vêtements, on imaginait déjà la misère de son foyer. Où trouvait-il encore l’idée d’inviter des inconnus ?
Son cœur remua bizarrement. Il se détourna en reprenant sa route.
— C’est aimable, mais je dormirai dans une auberge. Ou au presbytère, s’il y en a un.
— Nous avons ça. Le prêtre vit dans une petite maison, à côté de l’église.
Le sentier quitta la forêt. Les champs apparurent en dégradés de vert, de fauve.
Killian inspira. Au loin, dominé par une flèche, son village formait une masse grise. Il pointa sa silhouette du doigt.
— Coupons tout droit !
Le moine à sa suite, il traça un chemin à travers les prés. Les silences ne l’embarrassaient plus. Le visage heureux, il progressait à grandes enjambées.
La lumière déclinait quand ils atteignirent le presbytère.
— Nous y voilà. Tu penses que ça va aller ?
Ewyn fronça les sourcils. Il n’avait pas besoin d’assistance ni d’autant de prévenance. Ses mots claquèrent d’un ton sec.
— Bien sûr. À demain.
— À… À demain.
Killian le regarda s’éloigner.
« Ai-je dit ou fait quelque chose de mal ? » s’interrogea-t-il.
Ewyn s’immobilisa devant la porte close. Brusquement, il se retourna.
— Ce voyage risque d’être dangereux pour quelqu’un comme toi. Réfléchis bien : estimes-tu ta vie plus importante qu’une promesse d’or ? Si oui, renonce à cette expédition et confie-moi la clé. Prends bien le temps d’y penser. Ne décide pas à la légère.
Il cogna contre le vantail. Un homme en soutane se montra dans l’encadrement.
— Bénissez-moi, mon père. Je cherche asile pour cette nuit.
— Je te bénis, mon enfant. Entre donc.
Killian resta déconfit au milieu du chemin.
Lorsqu’il regagna sa chaumière, il trouva sa mère alitée. Le teint livide, elle s’excusa de n’avoir pu préparer le souper.
— Ne t’inquiète pas, la rassura-t-il. Je m’en occupe.
La petite Anne jouait seule dans la cour. Il l’emmena ramasser les œufs au poulailler, puis lui donna un panier et la prit en promenade.
— Tiens bien l’anse, Annette. Tu portes notre futur repas !
Leur quête les conduisit à la sortie du hameau. Pour chaque ortie aperçue, Killian saisissait le bas de la tige et arrachait les feuilles en remontant jusqu’à la tête. Aller dans le sens des poils réduisait le contact avec les pointes. L’opération lui laissait malgré tout des brûlures cuisantes.
— Est-ce que je peux essayer ? s’enquit la fillette à ses côtés.
— Non. N’abîme pas tes jolies menottes.
Il songea à regret à la forêt traversée plus tôt. Les orties des sous-bois piquaient moins que celles des chemins. S’il avait su, il aurait fait d’une pierre deux coups.
« J’étais si loin de ces préoccupations… »
Il songea au récit de l’ermite, au cercle magique. Au lieu de contempler l’incroyable, il fouillait maintenant les talus à la recherche de nourriture.
« C’est pitoyable… Mais ai-je vraiment le choix ? »
Durant le souper, il plongea ses réflexions dans son écuelle. Les orties cuites se mélangeaient aux œufs battus. Quelques morceaux marron se distinguaient çà et là. Lanig souriait, fier d’avoir trouvé un bolet pour égayer la marmite.
Gael donna un coup de coude à son frère aîné.
— Tu te rends compte, glissa-t-il à voix basse, quelle injustice ! Il rapporte un seul champignon, tout le monde le félicite… Pendant ce temps, je me coltine un sac de châtaignes, et c’est à peine si l’on me regarde !
Killian ne lui prêta aucune attention.
« Estimes-tu ta vie plus importante qu’une promesse d’or ? »
Sur la table, nul morceau de pain n’apparaissait. Pour en pétrir, il fallait disposer de froment, puis transformer celui-ci en farine. Cette opération s’effectuait dans les moulins banaux soumis à la taxation du seigneur. En échange du service, le vilain cédait une fraction de la mouture. La famille ne pouvait plus se permettre la moindre dépense. Elle se passait donc de cette denrée essentielle depuis longtemps.
« Qu’adviendra-t-il cet hiver, quand les plantes ne pousseront plus ? »
Killian connaissait déjà la réponse : sa mère cuisinerait des gruaux. Elle ferait cuire les grains de blé jusqu’à l’éclatement, puis ajouterait des œufs pour donner à la mixture une consistance solide. Sachant la maigreur de leurs réserves, combien de temps tiendraient-ils à ce régime ? En fin de journée, leur père les envoyait chercher des châtaignes, des noisettes, des glands… Le fait qu’il s’y prenne si tôt révélait une chose gravissime : lui, le roc inébranlable, éprouvait de la peur. Ils n’avaient presque plus rien à vendre. Lorsque le bœuf et la dernière poule auraient été sacrifiés, l’ultime marron séparé en six parts ridicules, ils n’auraient plus d’autre choix que de s’éteindre.
Killian mesura l’extrême urgence de leur situation.
« Ce voyage risque d’être dangereux pour quelqu’un comme toi. »
« Quelqu’un comme moi ? »
Certes, il n’avait aucun pouvoir. Il était néanmoins capable de se prendre en main. Ses sourcils se froncèrent.
« Ma vie seule vaut moins que celle de tous les autres. Si quelqu’un doit tenter quelque chose, autant que ce soit moi. »
— Hé ! Tu m’écoutes ? geignit Gael d’un air boudeur.
Son grand frère lui pressa l’épaule.
— Ne t’en fais pas. Je vais tout arranger.
— Ah oui ?
— Oui.
L’enfant retrouva sa gaieté. Denwall posa des questions sur l’entrevue avec l’ermite. Killian se garda d’évoquer les revenants, l’intervention d’Ewyn. Il évita aussi de promettre son aide pour le labour du lendemain. Le substitut proposé par Yuna ferait sans doute l’affaire. Dans le cas contraire, les jours prochains seraient durs, mais il s’agirait d’un mal pour un bien.
« Sans ma bouche à nourrir, leurs chances de survie augmenteront. »
Il profita du souper comme si c’était son dernier. Son regard s’attacha aux personnes pour en graver les détails. Les mots, les expressions des jumeaux, d’Anne et de ses parents constituaient autant de cadeaux.
Avant de se coucher, il les embrassa un par un en leur souhaitant bonne nuit. En pensée, il les remercia pour les jours heureux, ceux plus difficiles, tous ces moments partagés ensemble. Il rendit grâce au hasard de lui avoir donné une famille.
Le lendemain, il s’habilla et s’empara d’une besace. Il y regroupa une gourde, un couteau, quelques poignées de châtaignes. Il s’assura aussi de bien prendre son fusil à silex1, des bâtonnets enduits de soufre et de l’amadou2 pour, plus tard, pouvoir allumer du feu. Une vieille couverture rouge foncé lui servit de cape improvisée.
Ses yeux se posèrent sur les dormeurs. Il les détourna vite pour abréger les adieux.
« Je pars. »
La fraîcheur de l’aube piquait la peau. Un halo rose montait du sol. Des volailles caquetaient. Un chien l’accompagna quelque temps en remuant la queue. Killian laissait derrière lui des choses aimées. Quels horizons se révéleraient au-delà des terres familières ? Depuis sa naissance, en dehors des marchés dans les bourgades voisines, il n’avait guère eu l’occasion de quitter son village.
Son pas s’accéléra. À chaque foulée, sa poitrine s’allégeait d’un poids. D’où venait cette impression de joie ? cette excitation montant des pieds à sa tête ?
Une silhouette noire se profila. Des cheveux blonds entouraient sa figure claire. D’instinct, Killian courut à sa rencontre.
— Bonjour !
— Bonjour.
Ewyn l’observa. De toute évidence, il avait déjà pris sa décision. Comprenait-il dans quoi il s’embarquait ? Son visage radieux lui ôta la volonté de l’avertir encore.
Yuna patientait à distance. Un petit bonhomme se tenait à sa gauche. Comme elle, il avait le teint foncé, des iris de feu. Ses épais cheveux noirs s’orientaient vers toutes les directions. Semblables à des feuilles de chou, de grandes oreilles jaillissaient de chaque côté. Leur extrémité pointue se repliait sur elle-même à la manière d’un vieux parchemin. Costumé selon la mode humaine, il portait une cotte marron clair, des braies bouffantes vert sombre et des guêtres couleur de rouille. Avec sa cape safran jetée sur l’épaule, il affichait la superbe d’un dignitaire, à un détail près : ses pieds étaient nus. Une épaisse fourrure brune masquait ses orteils.
— Ça alors ! s’exclama Killian. Qui es-tu ?
— Voici Ogar, ton remplaçant ! rétorqua Yuna en bombant le torse. Ce personnage unique en son genre est un maître de la transformation humaine. Vois-tu où je veux en venir, maintenant ? Je suis géniale !
Elle éclata de rire. D’apparence, les deux créatures appartenaient à la même génération. Elles semblaient jeunes, mais plus proches de la maturité que de l’enfance. Quel âge pouvaient-elles avoir réellement ?
Intrigué, Killian s’arrêta sur les sandales de Yuna.
— Dis-moi… Est-ce que toi aussi, tu as les orteils velus ?
— Voyons ! Cela ne se demande pas à une dame !
Elle croisa les bras d’un air outré. Son petit compagnon s’avança.
— Laisse-moi t’étudier, fit-il d’un ton calme.
Killian se figea. Des yeux écarlates plongèrent dans les siens.
Le temps s’écoula. Ogar restait à la même place. Un chien aboya au loin. Personne ne bougeait.
— Heu… Ça va durer longtemps ?
Le bonhomme ne répondit pas. Son regard flamboyant s’attardait sur chaque partie du corps, chaque repli des vêtements. Son sujet se sentit traité comme un animal. N’allait-on pas bientôt le mesurer ? Contempler sa ligne de dos, son profil, pour se faire une idée de son engraissement et de sa masse musculaire ?
D’un saut vif, Ogar se décala. Il l’observa depuis le côté, puis il passa derrière. Mal à l’aise, Killian chercha un soutien du côté d’Ewyn. Celui-ci paraissait méfiant, perplexe.
— Détends-toi, ordonna le korrigan. À moins que tu sois toujours aussi raide qu’un chêne ?
« Facile à dire. S’il daignait m’expliquer un minimum, je… »
— AH !!!
Des mains, des pieds l’escaladèrent à la vitesse de l’éclair. Une douleur lui traversa la tête. Un visage surgit, à moins d’un pouce du sien. Killian faillit tomber à la renverse.
— Quel petit rigolo ! s’amusa Ogar en lui pinçant la joue.
— Qu’est-ce que tu fais ?! Tu te fiches de moi ?
— Du tout !
Le bonhomme sauta à terre. Entre ses doigts, il tenait une poignée de cheveux, deux morceaux de tissu. Il les renifla, analysa leur aspect et les jeta.
— Voilà ! J’ai tous les renseignements.
— J’espère bien, bougonna le brun en se touchant le crâne.
— Attention… Métamorphose !
Un garçon de treize ans apparut. Il présentait une taille moyenne, des mèches châtain foncé, quelques épis. Des reflets dorés brillaient dans ses yeux selon l’inclinaison de son menton. Les braies, la cotte portaient des points de couture. Des boursouflures parcouraient ses mains, aux endroits précis où les orties l’avaient piqué la veille.
Malgré lui, Ewyn haussa les sourcils. Yuna lâcha un petit cri.
— Incroyable !
La mâchoire de Killian s’entrouvrit. Il s’était déjà aperçu dans le métal de certains outils, en se penchant sur le puits ou sur l’eau de la rivière. Jamais, ô grand jamais, il ne s’était vu en entier, avec autant de détails !
Le korrigan fit quelques pas. Il inclina la tête sur le côté. Un frisson saisit son modèle. Bougeait-il vraiment de cette façon ? Peignait-il ce type d’expression ? Killian cilla ; son double cilla à son tour. Un rictus moqueur étira le coin de ses lèvres.
— Alors, comment te trouves-tu ? questionna Ogar d’un ton étrange.
— Je… je n’en reviens pas.
En s’entendant, Killian se glaça. Ses mots résonnaient à ses oreilles, proches de ceux d’Ogar et différents à la fois. Poussait-il l’imitation jusque-là ? Les sons légèrement tordus, désagréables sortant de sa bouche étaient-ils… ceux de sa propre voix ?
— À partir d’aujourd’hui, continua Ogar avec son timbre déplaisant, je serai toi. Je ferai tout ce que tu fais d’ordinaire. Je prendrai soin de ta famille et de tes affaires afin que tu retrouves ta maisonnée intacte, identique à l’instant où tu l’as quittée. Je m’engage aussi à te rendre ta place quand tu reviendras, même si j’aurai peut-être envie de rester encore m’amuser.
— T’amuser ? Que veux-tu dire par là ?
— Côtoyer les gens de ton espèce est un jeu pour moi.
— Mais ma vie n’a rien de tel… Es-tu conscient que tu devras travailler ? D’ailleurs, sais-tu comment on laboure un champ ?
— Selon la technique humaine ? Je suis un parfait novice. J’apprendrai au fur et à mesure !
Killian ouvrit de grands yeux. L’image du bonhomme aux prises avec l’araire le traversa. Comprendrait-il son fonctionnement ? Comment l’atteler au bœuf et s’en servir ? Il imagina soudain la terre du vicomte balafrée dans tous les sens. Son père, ses frères contempleraient la scène invraisemblable, frappés par la stupeur et l’effroi. Sa mère inquiète lui ferait ingurgiter des infusions de chasse-diable3. L’infâme Tresmor déverserait son fiel en railleries. Le voisinage, la contrée entière le croiraient devenu fou !
Yuna lui sauta à la figure.
— Dis donc ! Tu restes avec nous ?
Il posa sur elle un regard horrifié.
— Tu as entendu ? Il ne sait rien faire. Il va tout ruiner !
— Mais non ! Il te fait marcher ! Ne perdons pas de temps. La route nous attend !
Ewyn jeta au korrigan un œil circonspect.
— Pourquoi acceptes-tu de prendre sa place ?
— Yuna m’a rendu beaucoup de services. C’est l’occasion de lui retourner la pareille !
Ogar lui assena une claque puissante dans le dos. La mine interdite, l’exorciste se plia.
— Vous pouvez y aller. Je maîtrise la situation !
— Encore merci, acquiesça Yuna. Sois sage en nous attendant !
— Compte sur moi. Bonne chance surtout, et bon voyage !
Il agita le bras, s’éloigna au pas de course. Killian le vit disparaître derrière un tournant.
« Pourquoi ne l’ai-je pas retenu ? »
— Un long chemin nous attend, affirma Ewyn. Nous devrions partir.
Yuna poussa Killian à la jambe. Il soupira, puis il se laissa faire. En dépit des circonstances, il n’envisageait pas de retourner en arrière. La route se déroulait devant lui, interminable, offerte. Ses reliefs dessinaient l’infini des possibilités.
1 Petite pièce d’acier, ancêtre du briquet. 2 Matière fibreuse issue du champignon amadouvier, facilement inflammable. 3 Ancien surnom du millepertuis, plante utilisée pour le traitement de l’anxiété, des névroses et de la dépression. Au Moyen Âge, les troubles de l’humeur étaient imputés à des démons venant posséder l’esprit du malade, d’où l’appellation de « chasse-diable ».
À suivre…