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D’un geste de la main, le vieillard invita ses visiteurs à s’asseoir. Son attitude déconcerta Yuna. Avait-il rencontré d’autres korrigans avant elle ? Pourquoi ne manifestait-il pas de surprise ? En dépit de sa robe de bure, de son statut de moine, il ne la traitait pas en ennemie. Elle rejoignit Killian dans l’herbe et s’agenouilla.
Debout en retrait, Ewyn prit la parole d’un ton monocorde.
— Bénissez-moi, mon père. Comme convenu, la Croix d’Argent vous a envoyé un exorciste afin de purifier les ruines de la forêt. Vous serez heureux d’apprendre que j’ai mené cette tâche à bien. Sur ce, je rentre à l’abbaye. Que la paix de Dieu soit avec vous.
Sur un bref salut, il fit volte-face. Stupéfait, Killian ouvrit la bouche. L’ermite le rappela avant.
— Ne t’enfuis pas si vite. Ce garçon et cette créature ont des choses à t’enseigner.
Ewyn se retourna. Il jeta aux autres un œil blasé.
— Ça m’étonnerait. Que pourraient-ils bien m’apprendre ?
— Assieds-toi, te dis-je. L’obéissance est le premier échelon de l’humilité1.
Il daigna s’exécuter. Son attitude transpirait l’agacement, le scepticisme. Killian se sentit froissé.
— Humains et petit peuple se côtoient rarement, poursuivit l’ermite. J’en conclus qu’un problème grave vous pousse aujourd’hui à venir me consulter. Exposez-le-moi. J’essaierai de vous répondre de mon mieux.
Ils se consultèrent du regard ; Yuna acquiesça d’un signe de tête. Le paysan tira la clé d’or de sa poche.
— Nous avons trouvé ceci. Elle reposait dans un coffret beau, très ancien. Nous aimerions savoir à quoi elle sert.
Le vieil homme saisit l’objet, examina son anneau central. Soudain, ses yeux s’écarquillèrent. Son souffle se suspendit.
— Quoi ? s’alarma Yuna. Qu’y a-t-il ?
Il hoqueta.
— Je… Je n’aurais jamais cru voir cela un jour, dans ma modeste vie.
— Par Ana ! Expliquez-vous !
— Ceci est l’une des clés légendaires de la cité d’Ys !
La stupeur frappa Yuna. Furieux, Ewyn bondit sur ses pieds.
— Vous voulez rire ?! La Croix d’Argent cherche ces clés depuis des siècles. Comment l’une d’elles pourrait-elle surgir de la poche d’un simple gueux ?!
— Dis donc, toi…
Offensé, Killian se redressa. La main de l’ermite jaillit, s’agrippa à son poignet. D’un regard, il lui commanda de se contenir. Serrant les dents, l’intéressé obtempéra.
— Ton ordre se distingue par son arrogance, assena le vieux moine. Cette attitude vous maintient dans l’échec. Or, ton supérieur n’en retire aucune leçon.
— Je vous interdis de critiquer l’abbé Fearghal !
— Calme-toi, mon fils. Observe le silence, comme tu devrais le faire.
À son tour, Ewyn se rassit. Son teint s’embrasait de colère. Yuna tira sur la robe de l’anachorète d’un geste empressé.
— Selon l’Ancienne de mon village, cette clé me permettra de retrouver ma sœur. Pouvez-vous m’en dire plus ?
— Ta sœur a-t-elle été emportée par les esprits d’Ys ?
— Oui. En quoi cette chose me sera-t-elle utile ?
Le regard de Killian glissa de l’un à l’autre.
— Attendez ! C’est quoi, « Ys » ?
— Voyons, s’étonna l’ermite, tu ne connais pas la légende ? Elle est pourtant fort répandue !
L’air dépité, il se gratta la tête.
— Que voulez-vous… J’ai manqué quelques veillées.
— J’ignore aussi nombre de détails, déclara Yuna. Mon peuple n’a pas conservé beaucoup de traces écrites, hormis quelques études sur le fonctionnement des portes.
Le vieillard hocha le menton.
— Je vois. Laissez-moi donc vous rapporter cette histoire, dans sa version à ma connaissance la plus complète.
« Voilà plusieurs siècles, une ville se dressait au large des côtes de Cornouaille. Ses rues formaient un labyrinthe remontant vers une butte. En haut, un palais magnifique élançait ses tours vers la demeure de Dieu.
« Les maisons riches avaient des toits d’ardoises, des murs blancs. Des pavés garnissaient les artères larges et les passages étroits. De grands jardins offraient des promenades agréables. Les montreurs d’animaux, les marchands se pressaient sur les places. Des négociants de tous horizons faisaient des affaires sur le port. Les navires affluaient depuis la Bretagne, la Gaule, les îles du Nord. Tous les rois ambitieux des alentours désiraient bâtir des cités à son image. Les Francs nommèrent même leur capitale Par-is, ce qui signifie « pareille à Ys ».
« Le premier souverain avait fait construire sa ville sur une petite île, non loin du continent. Cette position stratégique lui permettait de filtrer les entrées. La mer formait une barrière naturelle contre d’éventuels envahisseurs. Ys constituait donc un lieu très sûr, protégé à la fois par sa garnison de soldats et par sa géographie.
« Cependant, un événement inattendu se produisit. Le niveau de l’eau monta d’année en année. Au début, le phénomène paraissait anecdotique ; il se révéla de plus en plus inquiétant. Les inondations se multiplièrent. En quelques siècles, l’océan s’éleva au point de menacer les rues d’engloutissement.
« Sous son règne, le septième roi entreprit de doubler les digues existantes avec de véritables murailles. Il demanda au peuple de la terre, les korrigans, et au peuple de la mer, les morgans, de conjuguer leurs connaissances afin de concevoir une porte monumentale. Dès lors, derrière son enceinte épaisse, Ys ne craignit plus les calamités. Avant chaque marée, les gardes condamnaient l’accès. Lorsque l’océan se retirait, ils rouvraient les vantaux et permettaient à nouveau aux bateaux d’entrer et de sortir.
« L’océan continua de gonfler. La cité passa sous le niveau de l’eau à marée haute. Les bourgeois n’éprouvaient pas de peur, l’envie de s’installer ailleurs. Sûrs de leur protection, ils oublièrent totalement la notion du danger. En hiver, la tempête pouvait se déchaîner, les vents mugir. Les vagues battaient les murailles, mais rien, rien ne surpassait l’orgueilleuse place défiant les lois de la nature.
« Deux clés fermaient les postes de commande de la grande porte. Le souverain en personne les gardait autour du cou, sans jamais les quitter. Elles symbolisaient des centaines de vies, des siècles d’histoire. De toutes les merveilles d’Ys, ces objets, si petits qu’ils soient, étaient les plus précieux.
« Comme dans toutes les capitales, une part d’ombre se développa. Certains voyageurs décrivaient la cupidité, la fourberie des habitants. Des cargaisons, des gens disparaissaient parfois.
« Sous le règne de Gradlon, la débauche s’invita jusqu’au palais. La princesse Dahud organisait de nombreuses fêtes. Des notables de tous les pays accouraient pour manger à foison, boire, se trouver des femmes. Le roi n’approuvait pas ces débordements, mais il vivait dans le souvenir de sa défunte épouse. Il laissait son enfant unique, sa fille chérie, faire tout ce qu’elle voulait.
« Le caractère de Dahud se gâta. De capricieuse, elle devint méchante. Bientôt, elle ne respecta même plus la vie. Chaque soir, après ses réceptions, elle invitait discrètement un homme à rester en sa compagnie. Au matin, elle le tuait et le jetait à la mer.
« Un jour, un noble inconnu débarqua au port. Tout le monde admira sa beauté, ses bonnes manières. Il savait jouer de son charme et de son verbe. La princesse ne manqua pas de le remarquer. Elle lui demanda de la rejoindre dans ses appartements une fois le bal fini.
« L’heure venue, l’homme obéit. Il lui parla de sa grâce, de son intelligence. Selon lui, les pleins pouvoirs lui revenaient à elle seule. Par son audace, Dahud faisait le prestige de son royaume. Elle devait donc tenir les clés et décider de la vie, de la mort de chacun de ses sujets.
« Confortée dans son orgueil, cette femme s’introduisit dans la chambre de son père. Elle profita de son sommeil, coupa le cordon et s’empara des objets d’or. Lorsqu’elle revint vers son amant, celui-ci les lui arracha. Il la frappa fort. Elle tomba évanouie.
« À son réveil, Dahud ne trouva pas sa trace. Son bateau n’était plus amarré au port. En revanche, les portes ouvertes laissaient entrer des lames immenses.
« Les postes de commande furent les premiers submergés. Les gardes essayèrent d’actionner le mécanisme, en vain : l’inconnu et ses complices avaient tout saboté.
« L’océan terrible se déversa dans les rues. En un battement de cils, les vagues engloutirent les maisons. La mer noya les gens entre leurs murs, rattrapa ceux qui fuyaient. Des torrents de débris destructeurs se répandirent.
« Gradlon s’éveilla sur une vision d’horreur. L’eau léchait les pieds du palais. Les bêtes s’affolaient dans les écuries. Les domestiques grimpaient dans les arbres, se hissaient sur les toitures. Il courut chercher son cheval Morvarc’h, cadeau de sa défunte femme Malgven. Cet animal-fée pouvait galoper si vite qu’il volait par-dessus les flots.
« En chemin, le souverain rencontra sa fille sanglotante. Saint Gwénolé, son conseiller fidèle, arriva sur sa propre monture en criant de fuir. Des survivants affolés tambourinaient contre les portes du château. Le roi ramassa Dahud, ordonna d’ouvrir le passage. Les malheureux se précipitèrent à l’intérieur. Les cavaliers prirent la direction inverse et se jetèrent dans la mer.
« Gradlon et saint Gwénolé poussèrent les bêtes à contre-courant. L’homme de foi montrait la voie. Derrière, le destrier royal luttait pour avancer. Le chaos régnait. Les sabots de Morvarc’h s’enfonçaient de plus en plus.
« L’animal râla. Il se débattait avec force, mais il sombrait davantage à chaque foulée. De l’eau jusqu’aux genoux, son maître blêmissait.
« — C’est votre fille ! hurla saint Gwénolé. La faute de ce désastre lui incombe ! Le poids de ses péchés abat votre cheval. Si vous ne la laissez pas, vous mourrez tous les deux !
« Gradlon s’obstina. Morvarc’h cria. Les flots entrèrent dans ses naseaux. Il rejaillit en battant des jambes.
« — Est-ce vrai ? M’as-tu volé les clés ? demanda le roi.
« Dahud confirma en pleurant. Une nouvelle lame engloutit la monture. Gradlon prit peur. D’un geste, il poussa sa fille dans l’océan.
« Des supplications retentirent. Le souverain ferma ses oreilles, continua droit devant. Morvarc’h trouva juste la force d’atteindre le rivage.
« Au matin, Gradlon et saint Gwénolé réalisèrent l’effroyable : ils étaient les seuls survivants. La mer rejetait des cadavres. À la place d’Ys flottait un tas de déchets informe. En une seule nuit, son peuple, son prestige avaient été anéantis.
La voix de l’ermite s’éteignit. Ébranlée, Yuna resta muette. Killian visualisait l’horreur, la scène apocalyptique. Comment les deux rescapés avaient-ils pu vivre après, avec cette vision gravée dans leur mémoire ?
— Qu’a fait le roi par la suite ? demanda-t-il.
— Comme tu t’en doutes, il ne voulut plus jamais revoir l’océan. Il fit établir sa nouvelle capitale à l’écart de la côte. Les manuscrits la désignent sous le nom de Corisopitum, aujourd’hui devenue Kemper2.
— Cette version des faits est incomplète, décréta Ewyn sombrement. Elle dépeint les habitants d’Ys comme des victimes, alors que leur majorité se composait d’individus déviants, cruels et avides. Certains s’adonnaient à la magie noire pour accroître leur richesse. Ils rassemblaient des objets de pouvoir, jouaient avec le feu en mêlant la suffisance à la bêtise. Leur représentante suprême, la princesse censée incarner leurs valeurs, commettait des crimes atroces. Cette ville pourrissante a reçu le châtiment ultime, comme Sodome, car elle avait de l’orgueil, elle vivait dans l’abondance et dans une insouciante sécurité, et ne soutenait pas la main du malheureux et de l’indigent3.
— Leur destruction n’est pas comparable, trancha l’ermite, et tu le sais.
— Certes, mais le bel inconnu n’a pas surgi par hasard. Il devait avoir subi un préjudice affreux, à la hauteur de son désir de vengeance. Ys a fabriqué son bourreau et a péri par sa main.
— Les seigneurs voisins trouvaient aussi un intérêt à sa chute. Des enjeux d’influence, des raisons mercantiles motivaient peut-être ce fameux prince. Quoi qu’il en soit, son acte a engendré un fléau à ce jour inégalé.
Ewyn se crispa.
— Ys est une plaie. Cette sorcière de Dahud torture des marins pour s’amuser. Ses revenants fous furieux ne savent même plus pourquoi ils errent ! Ils tuent des innocents par plaisir et brisent la vie des survivants. Dans nos rangs, ils causent de nombreuses pertes. Chaque fois que nous affrontons des spectres puissants, violents, ils proviennent immanquablement du même repaire.
— Hélas, la ville brillante d’hier est devenue maudite et noire. Ton ordre mène une lutte admirable, mais est-il vraiment capable de la purifier ? Face à des ombres si anciennes, cent exorcistes aguerris ne font peut-être pas le poids.
Les dents d’Ewyn grincèrent.
— Nous remonterons à la source du mal. Nous combattrons ses résidus un par un s’il le faut. Nous les enverrons dans l’Autre Monde par la force, puisqu’ils ne saisissent que ce langage.
Le regard du vieil homme tomba sur la clé d’or.
— La Croix d’Argent a-t-elle déjà envisagé une autre méthode ? A-t-elle cherché à comprendre la volonté de ses ennemis ? Sans les clés volées à Dahud, Ys demeure incomplète. Ces esprits ne souhaitent-ils pas les récupérer ? Maintenant que vous en possédez une, vous pourriez l’utiliser pour négocier une trêve. J’ignore cependant si, dans leur colère, ces âmes seraient prêtes à vous écouter. Une tentative de dialogue pourrait se solder par des morts supplémentaires.
Les yeux de Yuna se brouillèrent. Sa sœur gisait sûrement quelque part, seule. Si par une chance inouïe elle vivait encore, elle devait souffrir le martyre, cernée de fantômes emplis de haine.
L’ermite avisa sa douleur.
— Je suis désolé. Nous ne devrions pas parler ainsi. Tant qu’elles n’ont pas refait surface, nous ignorons ce qu’il advient des personnes enlevées. Il subsiste donc un espoir, même s’il est faible.
Yuna savait qu’il jugeait sa situation avec objectivité. La réalité probable faisait d’autant plus mal qu’elle sortait de la bouche d’un sage.
Dans son village, la plupart des gens considéraient déjà Enora comme décédée. Yuna tenait tête aux sceptiques. Elle avait fait de son combat sa raison d’être. Pourquoi sa sœur avait-elle été prise ? Les revenants l’avaient-ils tuée ? Si oui, avait-elle souffert ? Où reposait-elle ? L’incertitude l’accablait. Si Enora vivait toujours, elle avait besoin d’aide.
« Je me fiche de la colère de ces spectres. Je ne rentrerai pas sans savoir. »
Elle s’essuya les yeux. Son regard croisa celui d’Ewyn. Cet humain prétentieux lui déplaisait. Malgré tout, il disposait d’une magie utile. Elle se plaça devant lui d’un air autoritaire.
— Toi ! Tu vas me suivre. Nous partons pour Ys !
Il lui renvoya une moue blasée.
— Je n’obéis pas aux korrigans.
Elle grimaça. Sa fierté l’interdisait de supplier. Elle haussa le ton.
— Ton ordre convoite cette clé, tu l’as dit toi-même ! N’est-ce pas ton devoir de protéger tes semblables ? Ne veux-tu pas exorciser cette ville maudite ?
— J’ignore où elle se trouve.
— Tes supérieurs doivent avoir des pistes ! Depuis combien de temps la cherchent-ils ? Si tu ne sais rien, eux détiennent forcément des informations !
Ewyn frissonna. Il connaissait la position de l’abbé sur cette question. Il l’avait déjà interrogé plusieurs fois, et avait toujours obtenu la même réponse.
« Ys représente une menace trop importante pour un enfant de ton âge. Mets tout ton cœur à étudier tes sigils et, un jour, nous vaincrons ensemble ces créatures maléfiques. »
— Le père Fearghal ne te dira rien. J’ai déjà évoqué ce sujet avec lui. Il est resté muet comme une tombe.
— Quelqu’un d’autre alors ?
— Non. Seuls les livres pourraient nous renseigner. Je connais la bibliothèque de l’Ordre par cœur : aucun manuscrit n’aborde ce thème. Si des ouvrages existent, ils se trouvent dans les sections défendues à mon niveau.
— Tu n’es pas libre d’aller où bon te semble ? s’étonna Killian.
— Cette règle sert à nous protéger. Nous recevons nos missions en fonction de nos capacités. De la même façon, l’accès au savoir se fait de manière progressive. Certains manuscrits renferment des formules trop dangereuses pour des exorcistes inexpérimentés.
Ce disant, Ewyn paraissait frustré. Yuna s’enhardit.
— Je suis certaine que nous parviendrons à contourner l’interdiction ! Par rapport aux humains, je possède des talents extraordinaires. Emmène-nous au monastère et nous mettrons au point un plan d’action !
L’un de ses mots frappa Killian.
— Nous ?
— Nous avions fait un pacte. Tu devais garder les objets d’or, et moi, le moyen de retrouver Enora. En conséquence, cette clé nous appartient à tous les deux ! Dès que j’en aurai fini, tu pourras la prendre. Tu nous accompagnes, n’est-ce pas ?
Cette éventualité le laissa sans voix.
— Ce n’est pas une bonne idée, intervint Ewyn. Si des esprits d’Ys vous voient en possession de cette chose, ils vous massacreront. Donnez-la-moi. Je la rapporterai au père Fearghal, et lui saura quoi faire.
— Hors de question ! Les gens de votre espèce sont des voleurs, toi compris. Soit nous partons tous ensemble, soit tu rentres chez toi seul, les mains vides.
Ewyn se tut. Il détailla la clé aux lignes fines. La confirmation de l’ermite balayait ses doutes : elle provenait bel et bien de la cité noire. En la rapportant, il susciterait la fierté de l’abbé. D’un autre côté, la proposition de Yuna l’intéressait au plus haut point. Malgré ses efforts pour apprendre vite, il demeurait jeune. Il brûlait de s’introduire dans les sections interdites, tout en sachant que de longues années l’attendaient avant de voir sa soif assouvie.
« Je peux traîner cette korrigane à l’abbaye, pensa-t-il. Si elle tente de me tromper, je la trahirai. Les autres frères lui arracheront la clé et me féliciteront. Dans tous les cas, je suis gagnant. »
La perspective de cheminer à ses côtés ne le réjouissait guère. Quant à Killian, viendrait-il aussi ? Son visage, sa personne ne lui inspiraient pas de répulsion. Sur un plan raisonnable, sans arme et sans talent particulier, il paraissait vulnérable et inutile.
« Tu n’es pas fait pour le monde sombre. Reste à l’abri, dans ta chaumière. Je n’ai pas besoin de toi sur mes talons. »
À suivre…